Il y a quelques années avec un groupe d’amis, j’ai fait un voyage à Jérusalem, ville aux multiples lieux sacrés de part les religions juive, musulman et chrétienne. Notre intention ? Écouter, marcher, étudier, chanter pour la paix. Nous avons fait la connaissance d’une multitude d’individus et il s’est passé des moments et des rencontres inoubliables. Mais il s’est aussi passé deux choses :
– avant mon départ, des amis n’ont pas compris et m’ont reproché ma démarche, surpris, voir en désaccord avec l’idée d’aller là-bas, voir chacun, sans préférence, sans distinction…
– sur place, quand j’étais avec l’une ou l’autre communauté, je pouvais percevoir leur besoin de reconnaissance de leur souffrance propre, comme étant la plus effroyable, celle qui compte, jusqu’à quelquefois rencontrer leur sentiment d’incompréhension lié à leur presque impossibilité à avoir accès à une souffrance autre, qui dépasse les individus, clans, religions, partis, régions, pays …
Cela soulève cinq angles de vue importants :
– il pourrait sembler naturel ou normal d’avoir à prendre parti,
– penser que prendre partie engendre la paix,
– toute souffrance demande à être reconnue, entendue, respectée,
– se lier avec chacun donne un sentiment d’incompréhension au mieux et au pire de trahison,
– il y a des blessures qui saignent, pleurent, revendiquent d’être prises en compte pour les processus de paix
J’ai pleuré les trois premiers jours et trois nuits entières.
Aujourd’hui, quand je repense à chacun et à la lumière de la période actuelle et d’un monde en guerre, je me demande encore :
C’est quoi la paix et comment y accéder ?
Devons-nous avoir raison pour avoir la paix ?
Que cherche-t-on en fait avec la paix ?
Où est la vérité ?
Voulons-nous la paix ou la vérité , la paix ou revendiquer sa vérité ?
Et bien d’autres questions encore…
J’ai tenté la semaine dernière de répondre à cette question avant un cours de yoga. Je partageais que méditer pour la paix, allumer des bougies est certes beau, compte et les études les plus sérieuses montrent l’incidence positive de zones ou secteurs dans le monde où les évènements extérieurs changent favorablement sous l’effet d’un groupe important de méditants.
Mais je disais aussi que toute action qui projette à l’extérieur un état de paix, ce désir, doit être avant tout émis par quelqu’un qui sent, vit, vibre déjà, en lui, pour lui, sa vie, un sentiment de paix. Autrement dit on ne peut produire un résultat de paix que depuis un état qui vibre à la même fréquence. Tout étant information, puis énergie, et ensuite matérialisé, il convient de prêter la plus grande attention voir vigilance à ce que nous émettons. Cela signifie pour moi que vouloir la paix, la souhaiter, c’est avant tout avoir cette fréquence en soi, fréquence qui émet, rayonne, se diffuse alors autour de soi et sur le monde. Il y a là juste un état de cohérence.
J’invitais alors à cette réflexion sur la responsabilité qui nous incombe de nourrir le meilleur en soi, le faire grandir, avec amour, conscience et aussi humilité. J’insiste sur ce point là car l’humilité fait parti du voyage d’âme, non comme un rétrécissement de soi, mais comme acte de dignité envers soi, de gratitude pour la vie donnée, de respect envers tout autre. Cet autre qui peut être engagé dans une voie matérielle ou spirituelle, religieuse ou laïque, douce ou forte… Cet autre, qui partage nos points de vue, ou pas. Cet autre qui a la liberté essentielle d’être qui il est et de le vivre à sa façon.
Pour moi cette paix là, qui prend sa source dans l’humain vrai et libre est de toute puissance car elle ne prétend pas savoir, elle ne cherche pas à gagner ni à perdre, elle n’a pas besoin d’avoir raison. Elle prend soin de la vie, de toutes les vies. C’est une paix qui permet à chacun de s’exprimer, livrer sa vision, donner un éclairage, mettre en mouvement sa pensée, permettre à chacun de laisser rayonner sa vérité, sans la revendiquer ni attaquer autrui.
Vaste programme que cela et grand luxe que de se questionner alors que d’autres connaissent un état de guerre, de survie et de chaos.
Alors oui, toutes les méditations sont les bienvenues, les bougies aussi, les bonnes intentions, mais pas seulement. Notre paix doit être debout, active, authentique, partagée, ouverte, humble, lucide et, plus difficile peut-être après cette longue période covid, notre paix doit être tolérante, accueillante, sereine, non clivante, aimante. La paix est pour tous. Pas seulement pour ceux qui pensent avoir raison ou faire le bien. Elle ne doit pas être colorée de mépris sous fond de justice au nom de la paix.
Aujourd’hui pour moi, ma façon d’aller plus loin et d’aider à cette paix, est de sortir de ce discours binaire, clivant, spirituel qui tend trop souvent à faire penser que certains valent mieux que d’autres, que les éveillés ont de la valeur, qu’ils sont en avance, qu’ils ont compris, mieux que les autres, à donner des leçons ou que le tout méditation nous sauvera. Ce serait faire de la vie spirituelle, de toute voie spirituelle, un outil de pouvoir et de mesure mais aussi un outil de limitation et d’enfermement, auquel je n’adhère pas.
Certains sont-ils devant, derrière, certains se pensent-ils éveillés par comparaison avec d’autres qui ne le seraient pas ? C’est à ces pensées là que je m’adresse…la route est pour chacun la route, chacun la fait à son rythme, sa façon, ses croyances. Il y a des différences c’est certains, ni bien, ni mal. Gardons-nous bien de croire avoir raison, de détenir une quelconque vérité et pour autant faisons de notre propre savoir l’axe sur lequel se tenir, debout, enraciné, libre et paisible.
J’ai une seule invitation : faites-vous votre idée, cherchez à savoir, à comprendre, chercher, et en même temps, restez à l’écoute de toute autre façon de savoir, voir, sentir, être. Car je sais que la route se poursuit, encore, pour chacun.
La spiritualité pour moi est vivante, humaine, incarnée, consciente et aimante, évolutive, et surtout non jugeante. Elle me permet d’aller en moi regarder les espaces où encore il y a conflit entre mon âme et ma personnalité, ma nature humaine et divine, l’adulte et l’enfant, la peur et l’amour, où je peux me sentir vulnérable et puissante, seule et entourée. Tout cela vit en même temps, et vibre la paix dès lors que je reconnais pouvoir être l’un et l’autre, par alternance ou en même temps. Sans avoir à bannir ni à choisir.
Ensemble et chacun, pour la voie de la paix. Là où donner sa liberté d’être Soi et à tout autre sa propre liberté. Là où enfin libérer la paix de tout dogme, croyance. Elle n’appartient pas à une voie, une vision, elle est toutes les voies. La grande Paix.
Avec humilité et amour, ayons à cœur de contribuer, chacun avec ses outils, ses pratiques, car toutes sont valables et surtout complémentaires. La voie de la vie, est elle, la grande Voie.
A notre réconciliation.
Ahimsa
Shalom
Salam
Peace
Paix
M
Pour la Vie