La posture de la charrue est la seule posture qui soit un instrument, un outil. Les paysans sont les artistes de la terre qui, saisons après saisons, labourent, travaillent au champ, comme nous pratiquons le yoga, en ce corps de pratique qui en est juste la forme. La terre et le corps demandent une attention et cette constance afin que poussent et croissent le meilleur, ce que, en notre intention, pratique et sankalpa nous aurons semé, insufflé. Dans hala asana, le corps en position inversée rappelle la forme de la charrue.
Cela peut paraître évident, mais nous récoltons selon ce que nous semons, d’où l’importance de savoir quoi semer, à quel moment et pour récolter alors le fruit de ce travail. La charrue vient travailler en profondeur la terre comme la posture travaille le corps et l’être pour les transformer, les rendre fertiles à produire et donner une bonne récolte. Outil de l’action, hala asana trace des sillons, informe le corps, avec rectitude et clarté. Les sillons sont soumis aux lois de la nature, au ciel, à plus grand que soit. Ils sont le réceptacle où les forces cosmiques peuvent se répandre et produire l’abondance.
Shri Rama et Sita
Hala asana emprunte au Ramayana qui est une épopée que j’aime et qui m’inspire en ses diverses histoires et symboles. On y raconte que le père de Sita labourait sa terre et que d’un sillon est sorti une jeune fille. Elle prit le nom de Sita qui signifie sillon. Venue de la terre, elle sera élevée comme son enfant. Comme un enfant dont nous prenons soin et que nous élevons afin qu’il grandisse, hala asana travaille en surface, et de fait en profondeur, à l’intérieur, avec constance et cœur. Cette posture fait le pont entre le monde extérieur et intérieur. Elle donne une direction et informe des forces de création à l’œuvre et auxquelles participer, se joindre. Le sillon devient guide du chemin de vie.
Hala asana représente nos valeurs et idéaux, ce champ à travailler avec constance mais aussi amour, afin que l’unité soit le but et se déploie, mais avec surtout un sens profond, intime. Hala asana nous invite à la maîtrise de ce corps, comme outil de transformation, afin d’être créateur et responsable de sa vie. Ce travail se fait avec une concentration au niveau de anahata, chakra du cœur. Nous sommes à la fois le jardinier et le jardin et ce couple là fait alliance. Il en est généreux et merveilleux.
« Je suis séduit par la beauté et l’immensité de la nature … la nature est mon maître »
Shri Mahesh
Dans la posture, en détail :
- au sol, allongé sur le dos, bras le long du corps
- mains bien en appui au sol, des épaules au bout des doigts, joints
- s’assurer que la nuque soit dans l’axe du dos, menton abaissé vers le sternum
- sentir la bascule du bassin au sol
- les deux jambes jointes
- en inspirant lever lentement la tête et les deux jambes à la verticale
- légère suspension du souffle
- en expirant amener les pieds à l’arrière de la tête en laissant le bassin suivre et monter
- la tête se pose au sol
- déposer les orteils au sol, en appui et retournés
- suspension du souffle
Vous pouvez alors revenir directement ou rester quelques respirations dans la posture.
Restez à l’écoute…
Pour sortir de la posture :
- rapprocher les genoux du front
- venir re-déposer dos/bassin, vertèbres après vertèbres, en décollant la tête du sol
- bassin au sol, re-déposer la tête
- laisser les pieds se déposer et les jambes se relâcher
- relâcher tous le corps
- laisser respirer et accueillir
- relâcher en shava asana
Comme toutes les autres postures, hala asana comporte des variantes, nécessite quelques précautions et a de nombreux bienfaits. Il est par exemple possible de rester dans la posture en respiration libre et naturelle, d’amener les bras à l’arrière de la tête et aussi de la combiner avec sarvanga asana, posture de la chandelle.
Cette posture est pour certains élèves souvent difficile à adopter : lever le bassin, oser partir en arrière, être en inversion. Il convient de savoir ajuster jusqu’à ce que les ischios- jambiers et la colonne soient suffisamment souples pour ne pas créer de sur-étirement de la nuque. On peut adoucir et apprivoiser en plaçant par exemple les pieds sur un mur. Mais aussi simplement placer les paumes de mains à plat en soutien à l’arrière du dos. Cela permet de goûter à la posture et de la vivre totalement tel qu’elle est possible tout en veillant à son instrument corps/charrue. La posture se vit en unité par la façon dont nous la vivons et non comment nous la faisons.
Hala asana fait un travail complet du corps et étire toute la région arrière du dos des talons au sommet du crâne. Elle peut être contre indiquée en cas de problème de dos, hernies discales et hypertension. C’est une posture bienfaisante pour tout le système nerveux. Activant tous les centres, elle relance l’énergie et harmonise tout le métabolisme.
Sa profondeur en fait une posture importante dans la pratique du yoga. Notre corps devient instrument de la conscience où l’énergie se dilate, où l’unité peut se vivre. Hala asana est la confirmation de ce travail fait avec joie et cœur. La matière et les plans les plus subtils convergent, s’imbriquent et se manifestent ensemble dans la pratique ainsi réalisée.