La ponctuation
Il existe de nombreux textes fondateurs du yoga, de tout temps, qui font références en matière de yoga. Je vous en propose un, contemporain, mais prenant sa source à l’origine de tous les yoga : le tantra yoga.
Extrait du livre de Daniel Odier : Tantra
Le grand Yoga, c’est de boire, de manger, de toucher, de voir, de marcher, de dormir, d’uriner, de déféquer, d’entendre, de rester silencieux, de parler, de rêver, d’aimer, de s’asseoir, de traverser la rue, de monter dans un bus, de parcourir villes et paysages, regards et sons, beauté et laideur sans jamais être séparé du divin qui est en soi. Aucun yoga n’est supérieur à celui qui ne craint pas de s’immerger dans la réalité. En dehors d’elle, il n’y nulle trace de l’absolu.
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Le grand Yoga c’est la perception très aigu de la ponctuation. Nous sommes habitués à porter notre attention aux mots mais la porte du divin se trouve dans la ponctuation. Les virgules, les points, marquent une pause entre deux segments, entre deux propositions, entre deux phrases. La virgule, le point, c’est l’infini, le vide.
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Entre deux respirations, il y a une virgule. Entre deux sentiments, entre deux idées, il y a une virgule. Entre un geste et l’autre, il y a une virgule. La magie du grand Yoga c’est que toute expérience de vie est suivie d’une virgule et que le yogin peut peut continuellement agir et s’abreuver à l’infini en ayant conscience de cette ponctuation.
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Lorsque nous commençons à méditer, nous sommes effrayés par l’immense magma des mots qui nous font passer à coté de notre vie et notre activité mentale qui avale notre ponctuation. Peu à peu, de l’air pénètre dans notre méditation. Le magma des mots devient comme un filet d’argile qu’on étire entre les deux mains. Tout à coup, il y a une rupture, un silence, un vide, une virgule et la vraie vie commence. Cet arrêt nous permet d’être présent. Ces instants de vide sont comme des aires de repos dans une longue ascension, ils nous permettent de réaliser ce que nous sommes en train de faire et de le goûter pleinement. C’est le yoga. Continuité de l’extase, continuité du divin, continuité de la vie.
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Il vient un jour où, dans la pratique du yoga, toute la réalité du monde, toutes les forces, tous ces antagonismes se mettent à couler dans le même sens et à n’avoir qu’une seule saveur et qu’un seul parfum. L’absolu sent merveilleusement bon et les composantes les plus fétides font partie du parfum divin. Pratiquer en ce sens, c’est pratiquer sans interruption mais en ayant un sens aigu de la ponctuation.
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Le vrai sens de la vie est que tout communique et transmet une charge. La fragmentation mène à l’explosion individuelle et sociale. Tout ce qui est à part est destiné à s’éteindre. Être vivant est l’acte de courage par excellence puisque vivre c’est réaliser l’immatérialité des divisions et des cases et de se jeter dans le grand maelström. Contrairement à ce que pensent la plupart des êtres humains, il n’y aucun risque à se jeter dans le grand maelstrôm mais on ne s’en rend compte qu’après avoir sauté et ce qui est difficile, c’est de sauter.
Paroles de Lalita Devi dans « Tantra » de Daniel Odier.
Sauter, c’est le grand Yoga !